Alors que le Soleil se couchait sur l'océan, faisant briller l'eau de milles éclats orangés, un fier navire un provenance de Kitsune approchait à une allure tranquille d'une ville portuaire d'Esvalya. Le soleil couchant dans son dos pouvait faire croire cette scène superbe toute droit sortie d'un rêve des plus merveilleux.
Pendant que le navire accostait, les passagers montaient un à un sur le pont. Au milieu d'eux, les quatre Setras et le général Zyphaloïde était rassemblé à l'arrière du navire. Les deux camps opposés se côtoyaient en s'ignorant, permettant au petit groupe de jouir d'un calme relatif dont ils n'auraient jamais pu profiter s'ils s'étaient mieux connus. Shina admirait le soleil couchant pendant que Sanosuke se demandait ce qu'il allait faire. Il ne savait pas encore s'il allait descendre à Esvalya ou à Ookami, destination finale du navire. ce dernier accosta tranquillement et la passerelle le reliant au quai fut déployée. Les passagers commencèrent à descendre tranquillement. Un petit groupe lança un regard noir à Sanosuke, ils le détestaient depuis une altercation en début de trajet.
Shina montra son impatience d'aller visiter la ville. Après avoir poussé un léger soupir, Reiji la suivit, Yaka et Tanaka sur ses talons. Au moment où Shina posait le pied sur la passerelle elle se retourna et vit que Sanosuke ne les suivait pas, il était toujours accoudé au bastingage, les yeux perdus dans l'immensité de l'océan.
Hé, Sano, tu viens ? lui cria Shina
Sano ne répondit pas tout de suite, comme s'il n'avait rien entendu. Alors que Shina s'apprêtait à aller le chercher il se retourna et lui répondit avec sourire.
Désolé, miss. Mais je vais rester un peu ici, on se retrouvera peut-être plus tard.Shina ne put retenir un soupir et descendit sur le quai, suivie de ses compagnons Setras.
Une fois que les passagers et les marins furent descendu, Sanosuke se retrouva seul sur le pont. Enfin, pas tout à fait seul, quelques marins surveillaient le bateau et nettoyaient le pont. Sansosuke plongeait ses yeux dans l'infinie étendue orange qui s'étendait sous lui. Il put distinguer une forme se détachant du Soleil couchant. Alors qu'elle se rapprochait, il put remarquer qu'il s'agissait d'un oiseau.
Sanosuke se sentait étrangement mélancolique, sans savoir pourquoi. Il repensa à son enfance chez son père adoptif, capitaine dans l'armée d'Atreyu, qui rêvait et se battait d'un monde meilleur. Il revit le visage joyeux de sa mère s'occupant de ses trois autres fils. Sanosuke ne put s'empêcher de sourire en repensant à la rivalité entre les trois garçons. L'aîné, âgé de 10 ans, s'était auto-proclamé chef du petit groupe. Le cadet, alors vieux de 8 ans, le suivait partout et essayait de reproduire tout ce qu'il faisait, donnant parfois lieu à des situations hilarantes. Le benjamin avait lui 6 ans, il entrait peu à peu dans le groupe mais courrait souvent se cacher derrière sa mère. Les trois autres l'adoraient et le protégeaient en toutes circonstance. Sanosuke, lui, avait physiquement 9 ans, bien qu'en réalité il soit un peu plus âgé mais son immortalité avait ralentit sa croissance. Il essayait parfois de se rebeller contre l'aîné, ne supportant pas sa domination, il se retrouvait alors seul contre les deux plus âgés de ses frères et il se bagarraient joyeusement. Ils riaient beaucoup ensemble et s'aimaient énormément. Seul Sanosuke semblait avoir du mal à intégrer cette familiarité, malgré qu'en apparence il soit comme les autres, au fond de lui il ne parvenait pas à les aimer. À l'époque cela ne l'avait pas gêné, ni empêché de passer les moments les plus agréables de sa vie.
En suivant le cours du passé, il arriva au tragique évènement qui avait changé sa vie à jamais. Alors âgé physiquement de 14 ans, sa mère lui avait demandé d'aller faire des courses en ville. Sur le chemin du retour, il avait vu de la fumée s'échapper des fenêtres la maison. Il s'était mis à courir pour voir ce qu'il se passait. Quand il était arrivé, la maison avait brûlée presque entièrement. S'approchant des décombres, il avait vu la main de son frère aîné dépasser d'un tas de bois carbonisé. Après quelques recherches, il avait découvert les corps de tout les membres de sa famille. Son père avait succombé en essayant de protéger son fils cadet des flammes, le benjamin était mort, caché derrière sa mère. L'aîné, lui avait péri alors qu'il ramenait un seau d'eau à l'intérieur. Pour Sanosuke, la scène lui avait parut évidente : voyant que son père sa mère et ses deux frères était bloqués par les flammes, l'aîné avait couru chercher de l'eau au puits pour les sauver, et fut finalement bloqué à son tour.
Alors qu'il repensait à cet évènement affreux, un bruit vint le tirer de sa rêverie. L'oiseau qu'il avait aperçut plus tôt venait de se poser sur le bastingage, face à Sanosuke. Celui-ci reconnut immédiatement le volatile : il s'agissait d'un oiseau d'ombre qu'Eleonor créait à volonté pour transmettre ses messages. Il étouffa un juron et détacha un papier accroché à la patte de l'oiseau. Le message était clair et concis :
Je ne sais pas où tu te cache Sanosuke, mais notre Maître à besoin de nous tous. Rends-toi immédiatement à Dominos. Des embarcations t'attendent à Urea, Evalya et Atreyu. Tu as intérêt à venir !
Sanosuke froissa le message et le jeta dans l'océan tandis que l'oiseau s'envolait de nouveau. Le volatile s'approcha de l'eau et se désagrégea.
Le Zyphaloïde alla à sa cabine récupérer ses quelques affaires. Une fois de retour sur le pont, il descendit silencieusement la passerelle tandis que le Soleil disparaissait sous la ligne d'horizon. Il se dirigea directement vers la sortie nord-est de la ville et, après plusieurs heures de marche, arriva au point de rencontre habituel avec les bateliers Zyphaloïdes. Alors qu'il s'approchait de leur petite embarcation à voile, les trois passeurs restèrent silencieux. Le général était connu pour ses excès de colère, aussi soudains que violents, il avait déjà tué plusieurs subalternes qui avaient eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.
Le général posa pied sur le frêle-esquif sans accorder même un regard aux trois hommes de mains. Il déposa le Zanbatô à ses pieds, sans se demander si cela gênerait les manœuvres, il n'en avait cure. Une fois qu'il fut installé, les passeurs dégagèrent l'embarcation de la côte et ils prirent peu à peu le large.
Après une vingtaine de minute de traversée, un des bateliers posa malencontreusement le pied sur l'arme de son général. Ce dernier, sans broncher, envoya un direct du gauche dans le visage de l'homme, le catapultant par dessus bord. Il avait frappé son homme de main sans le regarder, en restant assis. Immédiatement après avoir frappé l'homme, le Zyphaloïde reposa sa main gauche sur son genou.
Sanosuke essayait depuis le début de la traversée, de faire le vide à l'intérieur de lui. Il tentait de faire abstraction de l'étrange malaise qu'il ressentait à Dominos et en présence des autres généraux. Il s'attendait tellement à le ressentir que son corps l'avait d'ores et déjà créé alors qu'il n'aurait, en toute logique, pas encore du apparaître. Cette sensation désagréable entraînait mettait les nerfs de Sanosuke à fleur de peau, ce qui lui avait valut son surnom : "Général de la Colère".
Lorsqu'un des passeurs avait négligemment piétiné son arme, Sanosuke l'avait frappé, plus par réflexe qu'intentionnellement. Cette faute de son subalterne lui avait au moins permis de se calmer, au moins momentanément.
Alors que la nuit était noire, la lune cachée derrière un nuage, le petit bateau arriva en vue des tours de Dominos.