Voyager pour changer d'opinion

Toute fraîche de son dernier bain, Shina sortit de sa chambre pour rejoindre la salle où ses compagnons étaient déjà à table et demeuraient silencieux. Elle s’installa, arrangeant les plis de sa robe rosée, que son fiancé lui avait offert il n’y a pas si longtemps et se trouva embarrassée par le profond silence. Brisant le silence, elle décida de remercier Utako car son aide lui avait été précieuse durant leur précédent combat. Aussi, elle n’avait pas été déçue par ses dons et le trouvait d‘un rare talent. Cependant, elle espérait qu’il passe outre la bêtise qu’elle avait révélée plus tôt en se disputant avec Sanosuke. Elle s’était, d’ailleurs, assise à la droite de ce dernier pour éviter au maximum son regard. Mais elle ne pouvait s’empêcher de lui jeter quelques coups d’œil pour savoir ce qu’il fabriquait. Pour l’instant, il étouffait sa faim en jouant avec une brindille qu’il avait ramassé en cours de route.

Shina se cacha à son tour derrière le mutisme. Après tout, le silence avait quelque chose d’apaisant, et si elle tentait de maintenir une conversation, même à sens unique, l’horrible goût du sang humain ,resté à son palais, se ferait sentir. Il lui était insupportable. Elle devait boire quelque chose d’assez fort pour effacer cet affreuse sensation. On vint leur servir à boire et, sur conseille du serveur, Shina avait opté pour la bière de la région. Après tout, l‘heure ne se prêtait pas à déguster un bon jus d‘orange. Et l’eau ne lui conviendrait pas car il lui fallait une boisson au gout immédiatement perceptible…

Quelques minutes plus tard, un potage fumant et épais leur fut servi. Dans la bouche de Shina, le gout tellement écœurant du sang avait laissé place à celui de l’alcool. La Setras n’aimait pas trop ça, mais elle préférait la bière au liquide rouge et tiède. Elle tourna la tête vers Sanosuke, ce Zyphaloïde qui aurait pu la tuer mais qui en avait fait une de ses compagnonnes. Avec un sourire taquin, elle voulut lui faire une tape amicale dans le dos. Mais le coup, très mal calculé à cause de la vue trouble de Shina, plongea la tête du pauvre jeune homme dans sa soupe.

Il en ressortit furieux et ne manqua pas de mettre à terre une Shina des plus confuses avant de lui crier dessus. La Setras ne comprit pas vraiment de quoi il l’accusait et n’eut pas le temps de s’excuser. Le Zyphaloïde l’avait fermement empoignée par le col et la mena vers sa chambre. Là, il la jeta brusquement sur son lit et s’en alla en claquant la porte. Outch… S’il n’avait réveillé personne, il était drôlement chanceux.

Bien sûr, Shina ne l’entendait pas de cette oreille et se dirigea d’un pas chancelant mais assuré vers les escaliers. Une, deux marches et elle trébucha, dévalant les escaliers comme une balle dans son lancé. Elle atterrit sur les fesses, râla dans une langue pâteuse et incompréhensible avant de remarquer que tous les regards s’étaient tournés vers elle. Elle vit alors Sanosuke se lever et elle prit la fuite du mieux qu’elle put. Il la rattrapa aisément par le haut de sa robe et la fit quitter le sol. Elle avait beau se débattre, il n’avait pas l’intention de la lâcher.
Finalement, il la jeta une fois de plus dans sa chambre.

Mais Shina ,ne s’avouant toujours pas vaincue, tenta de dépasser le seuil de sa porte. Cependant, alors qu’elle ne l’avait franchie que d’un pas, elle sentit un regard brûlant de colère sur ses frêles épaules et disparut docilement, contrit. Dans sa chambre, elle se déchaussa mollement et s’allongea sur son lit avant de s’endormir d’un profond sommeil.

Utako assista au manège qui se déroulait sous ses yeux : Shina se mit à boire démesurément et finie ivre en un temps records. Sanosuke dût la raccompagner avec colére dans sa chambre deux fois de suite avant qu’elle n’abandonne. Du moins, c’est ce que pensait Utako, puisqu’elle ne revenait plus.
Sanosuke revint de forte mauvaise humeur et Utako attendit quelques instants qu’il se calme.Si le sujet était compromettant ou indiscret, ce n’était sûrement pas le bon moment pour entamer une discussion dessus. Il se concentra donc sur son potage.
Cinq minutes plus tard, après un repas dans le silence, Utako tenta d’engager la discussion :

« Ça ne me regarde peut être pas, mais je me demandais ce qu’était un Zyphaloïde,je vous ais entendu en parler tout à l'heure. Par simple curiosité » ajouta-t-il, pour éviter de ranimer la fureur du guerrier.

Il valait mieux ne pas trop tourner autour du pot, pensait Utako. Sanosuke était déjà de trop mauvaise humeur pour jouer aux devinettes.

Le mercenaire était un peu calmé. Shina l'avait passablement énervé mais maintenant qu'elle dormait tout allait mieux. Shikijou et Utako mangeaient tout les deux en silence et ils n'avaient fait aucun commentaire, et c'était tant mieux.
Après quelques minutes où Sanosuke pu finir sa soupe sans être dérangé, le seul humain du groupe lui posa une question peu habituelle.

"Ça ne me regarde peut être pas, mais je me demandais ce qu’était un Zyphaloïde,je vous ais entendu en parler tout à l'heure. Par simple curiosité."

Le général Zyphaloïde jeta un coup d'œil à son lieutenant qui restait impassible avant de répondre d'une manière très directe.

"Les Zyphaloïdes apparaissent dans une vieille légende. Ce sont des êtres créés par un dragon noir et ennemis des 8 Setras gardien de Gaïa. Ils servent tous leur maître qui veut plus ou moins détruire le monde."

Sans regarder comment réagissait son interlocuteur, Sanosuke se contenta de finir sa chope de bière locale. L'homme pouvait penser ce qu'il voulait de lui, Sanosuke n'agirait pas différemment. Cela l'étonnait d'ailleurs de lui qui n'acceptait pas vraiment sa nature profonde, mais bon...

Sanosuke était calmé. Tandis que Shikijou finissait de manger en silence, le mercenaire jeta un regard à Utako qui venait de terminer son repas. Maintenant l'humain savait pour lui, la seule question qui restait était ce qu'il allait faire maintenant. Alors qu'Utako, l'humain guitariste, allait se lever pour monter se coucher après cette dure journée, l'homme au bandeau rouge dans les cheveux lui adressa à nouveau la parole.

"Alors ? Ça fait quoi de savoir qu'on voyage avec un monstre assoiffé de sang qui veut détruire le monde ?"

Il lui laissa le temps de répondre, même si ce n'était pas le genre de question à attendre une vraie réponse très développée avant d'ajouter quelque chose.

"Mais laisse moi te dire une chose, ne va pas croire que les Setras sont comme le dit la légende. Ce sont des fourbes et des traitres qui manipulent les grands de ce monde afin d'en garder le contrôle, ce sont eux qui tirent les ficelles en coulisses et s'ils ont si peur de nous c'est parce qu'on apporte le changement... et donc qu'ils vont perdre tout ce qu'ils ont gagné sur le dos des humains depuis tant de siècles..."

Une fois sa phrase finie il se leva, et commença à se diriger vers sa propre chambre. Shikijou se leva également et suivit son supérieur, toujours sans dire un seul mot. Néanmoins Utako pouvait toujours essayer de les rappeler.

Ce matin, Shina se réveilla assez tôt avec un profond mal de crâne. Elle attendit que cela passe un peu avant de se lever doucement tandis que les souvenirs de la veille lui revenait. Elle jura et retomba sur le lit. Qu’est-ce qui lui avait pris de boire autant ? Elle n’aurait pas pu se contenter d’eau ? Si Reiji était là, il lui aurait certainement fait la morale.
La Setras décida de se lever pour de bon, et après avoir fait le lit , aéré et passé un rapide coup de balais dans sa chambre _ parce qu’il fallait bien aider les aubergistes _ elle alla se laver.
Cette fois-ci, elle prit son temps dans la douche. L’eau chaude détendait ses muscles et la chaleur l’enveloppait de telle sorte qu’ elle s’y sentait aussi bien que dans un bon lit. Shina clignait des yeux en tentant de ne pas s’assoupir. Les longs et durs réveils ne lui plaisant pas beaucoup, elle quitta la salle de bain.
Comme elle avait un peu froid et que son fiancé lui manquait, elle enfila un des pulls vermillons de ce dernier par-dessus sa tenue habituelle. Elle lui avait emprunté ce pull chaud et trop grand pour elle alors qu’il avait le dos tourné. Après tout, il en avait des tonnes tout pareils, il pouvait bien lui en prêter un, non ?
Ainsi apprêtée, elle descendit dans la grande pièce d’accueil faisant aussi office de restaurant. Les délicieuses odeurs des petits déjeuners la fit revenir à la réalité, elle eut un haut le cœur. Pour une fois, le jus d’orange ne l’attirait plus beaucoup. Elle s’empressa d’aller retrouver Utako, Sanosuke et Shikijou et les salua. C’est alors que le jeune musicien demanda s’il pouvait les suivre.

« Ce n’est pas contre vous, Utako mais un hum…un innocent ne devrait pas nous accompagner, cependant puisque vous savez vous défendre, pourquoi pas ? Mais comprenez bien que c’est à vos risques et périls. » répondit alors Shina dont l'état de Setras s'inquiétait pour la sécurité d'Utako.

Shina fronça les sourcils. Utako ne semblait pas comprendre ce qui les attendaient. Un humain n’avait rien à faire dans une histoire de Zyphaloïde et de Setras. Si Shina acceptait, ce n’était qu’en mémoire de son maître, qui était un humain, et qui avait aidé son père lors de ses combats. Il fallait que le jeune Utako comprenne qu’il risquerait certainement sa vie.

« Mais… »
_ « Laisse-le, il a pris sa décision. »
La Setras avait tenté de protester, mais Sanosuke y avait mis son grain de sel. Elle réfléchit puis soupira.
_ « Bon…D’accord. »

Après tout, le jeune homme n’était pas seul. Il avait trois combattants avec lui qui lui avaient déjà sauvé la mise. Mais Shina ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter, en tant que protectrice des terres et des habitants de Gaïa. Or, il était vrai que cette région là n’était pas très sûre…
Bref, la jeune fille tourna la page.

« Ici, il n’y a quasiment rien pour s’approvisionner, on va donc marcher jusqu’à la ville.» poursuivit-elle.

Ils se mirent bientôt en route et marchèrent une heure vers le sud avant d'atteindre Mogami.
Mogami était une jolie petite ville ensoleillée. Elle n'avait rien de particulier par rapport aux grandes capitales de Gaïa, mais avait tout de même beaucoup de charme. La vie y était à la fois calme et agitée et les habitants qui s'y trouvaient n'avaient aucune envie et aucune raison de la quitter.

Spoiler:

Il avait une mission, une parmi tant d'autres. Aujourd'hui il allait tuer un homme, comme il en avait déjà tué tant et en tuerait encore. Pourtant, il ne se lassait pas de cette routine, ni ne prenait plaisir à faire ce qu'il faisait : c'était son travail, rien de plus, rien de moins.

Attendant sans aucune pression le moment venu, marchant sans faire attention où il allait dans les rues trop calme d'un lendemain de foire à Mogami. Quelques commerçant ouvraient nonchalamment leur échoppe pour les rares clients dehors, bien que l'heure du déjeuner approchait à grand pas. La nuit précédente, grand jour e fête, avait été, comme à l'accoutumée, particulièrement animée et tous se remettaient lentement de cette nuit agitée.

Il regarda dans une ruelle à sa droite, vérifiant que son plan ne pouvait échouer, et continua d'avancer d'un pas lent mais décidé, martelant le sol pavé de ses mocassins en cuir souples, au rythme des battements de son cœur.

Soudain, il la vit. Sa cible, facilement repérable, était à cinquante mètres de lui, plus loin dans la rue principale. Il jeta un coup d'œil discret vers les toits alentours, scrutant chaque coin d'ombre, chaque cachette potentielle, sans parvenir à déceler d'autres présence que celle des oiseaux et des chats errants. Il avançait toujours, la main droite dissimulée sous les pans de son habit blanc. Il était aussi facilement visible dans cette rue presque désertée qu'un phare en pleine nuit, mais cela était loin d'être une maladresse, il n'était plus un débutant depuis bien longtemps maintenant.

Sa cible et ceux qui l'accompagnaient avançaient sans se douter de rien, trop surpris par le manque d'activité en cette fin de matinée que dans l'inspection des rares passants dans la rue. Il était maintenant à une vingtaine de mètre et venait de s'arrêter, faisant mine de regarder un étal de fruits qu'un homme, à moitié embrumé par la fatigue et l'alcool, finissait de garnir. Cette position, apparemment anodine pour le commun des mortel lui offrait le maximum de chances pour mener à bien sa mission. Il étai parfaitement de profil par rapport à sa cible, les pieds parallèles, la main droite, tenant fermement la crosse de son arme, du côté de l'objet de sa mission.

Durant les quelques secondes qui suivirent, il revit mentalement la suite de ce qu'il avait à faire. Une fois sa cible éliminée il n'aurait qu'à courir sur quelques mètres, profitant de l'effet de surprise, pour s'engouffrer ensuite dans une ruelle. Là il jetterait son habit blanc et tournerait dans une rue parallèle à la rue principale, avant de revêtir l'aspect d'un vieil homme, rôle en parfait adéquation avec la tenue qu'il portait sous son manteau immaculé. Une fois la crise passée, il quitterait la ville et retournerait à Shichou d'où un messager partirait prévenir le seigneur Arcios de la réussite de la mission.

Tout étant parfaitement clair, sans aucun risque d'échec, il passa à l'action. Sortant son révolver de sa poche, le bras parfaitement alignée il ajusta sa cible en une fraction de secondes et, avant que qui que ce soit n'ait pu réagir, il tira.

Je ne sais pas pourquoi, mon corps bascule. Je ne touche plus le sol, mes pieds ont quitté terre, comme un tout petit vol mon corps est projeté dans les airs. Mais qu'est-ce qu'il m'arrive, je ne comprends plus rien, je suis à la dérive et je ne me sens pas très bien. Ça y'est, je percute les pavés maintenant. Dure a été la chute, je suis couvert de sang. Allongé, là, seul, sur le trottoir, je perds la boussole, je ne peux pas le croire. Vais-je vraiment crever, dans cette rue austère ? Je me suis fait shooter ce mec avait un revolver.

Sanosuke était étalé sur le sol, saignant abondamment. La balle avait frappé sa poitrine, une personne moins coriace serait morte sur le coup, mais lui tenait bon, à demi-conscient. Il ne se rendait plus compte du temps qui passait, des gens autour de lui. N'importe qui ayant quelques notions sur les blessures savait qu'il ne fallait surtout pas risquer de le déplacer sous peine de le perdre pour de bon. Un médecin allait devoir extraire la balle sur place, tandis que le mercenaire plongeait dans le coma. Il ne pouvait pas abandonner, il ne pouvait pas mourir maintenant, il avait encore tant de choses à faire, il devait construire un nouveau monde, mais, malgré ses efforts, il se sentait lentement, inexorablement, glisser vers le repos éternel. Mais il se refusait le droit de fuir, il ne pouvait pas abandonner, il n'avait pas le droit de mourir. À cause de lui les personnes qu'il avait aimé étaient mortes et il ne laisserait jamais cela se reproduire, même s'il n'aimait vraiment plus aucun être de ce monde... ou du moins c'était ce qu'il s'efforçait de croire...


[HRP]Hommage...[/HRP]

Le retentissement du coup de feu avait soudainement frappé, faisant sursauter Shina tandis que Sanosuke s’effondrait, touché à la poitrine. L a Setras remarqua une silhouette criarde qui fuyait à travers la rue principale. L’heure n’étant pas à la réflexion, elle s’élança directement à sa poursuite, laissant Sanosuke aux bons soins d’Utako et de Shikijou qui se débrouilleront très bien tout seuls pour trouver un médecin.

La rue avait beau être presque déserte, elle avait toujours son cota d’obstacles qui ralentissait considérablement la course de Shina. Une dalle mal placée, un stand trop discret, des enfants maladroits, une femme rêveuse… La vue floutée de Shina lors de sa course l’handicapait considérablement. Elle voyait, impuissante, l’homme au manteau blanc s’éloigner de plus en plus.
Il tourna subitement et emprunta une ruelle parallèle qu‘elle ne tarda pas à rejoindre à son tour.

Là, elle s’arrêta net face à un homme qui dissimulait son visage sous un horrible masque. A côté de lui se trouvait le manteau blanc du fuyard. C’était certainement lui, et si ce n’était pas lui, alors tant pis. En tout cas, il lui semblait trop suspect pour qu’elle le laisse tranquille. Shina esquissa donc un puissant coup de poing sans même écouté ce qu’il avait à dire. Mais son coup n’atteignit pas sa cible, puisque l’homme, avant même que la Setras ne comprenne ce qui se passait, l’avait mise à terre…

Hannya, l'espion et assassin lieutenant de Sanosuke, surveillait la ville depuis les toits, invisible dans les ombres. Sans qu'aucun des membres du petit groupe ne s'en rende compte, il avait déjà arrêté un assassin la veille qui, armé d'une arbalète, aurait pu blesser l'un d'entre eux pendant leur combat contre les brigands.

Les rues étaient très calme et il était facile de repérer les sources de danger potentielles. Un mendiant, apparemment endormi, que Sanosuke, Shikijou, Shine et l'humain qui les accompagnait avaient dépassé pouvait être en réalité un meurtrier Zyphaloïde chargé d'éliminer le général. Hannya le garda à l'œil, ignorant l'homme au manteau qui était, selon lui, bien trop voyant pour être un assassin. Quand il fut le reflet du Soleil sur un objet métallique que cet homme en blanc dissimulais il était déjà trop tard pour agir. Le coup de feu résonna, déchirant le calme de cette matinée et Sanosuke s'écroula au sol, terrassé sur le coup. L'homme au masque de démon bondit vers un toit adjacent et entreprit de poursuivre cet homme. Il savait qui il était, il ne pouvait y avoir qu'un seul assassin assez fou pour se montrer en plein jour, à visage découvert et avec un habillage aussi voyant. Mais cet homme n'était pas n'importe quel assassin, Hannya n'avait pas songé que ce serait lui qui serait chargé de tuer le général, cet homme, le meilleur assassin Zyphaloïde, meilleur qu'Hannya lui-même.

L'assassin au manteau blanc tourna dans une ruelle, échappant à la vue de l'espion masqué. Ce dernier atteignit le dernier toit le séparant de la ruelle et se laissa tomber dans celle-ci. Il était trop tard. La seule trace de l'homme était son manteau blanc abandonné par terre, et, au vu de ses capacité de polymorphie, il était inutile de le chercher à présent. Tandis qu'il avait ramassé le manteau pour le regarder de plus près, il entendit Shina déboucher à pleine vitesse dans la ruelle.

"Il a filé."

Ne semblant pas l'écouter, ni même réellement entendre ce qu'il disait, la Gardienne se jeta sur lui. Se mettant rapidement en garde, Hannya parvint à dévier un coup de poing puissant de son bras gauche avant de répondre immédiatement d'un direct du droit en plein visage qui envoya la Setras au tapis. Dans une situation normale, Shina aurait certainement évité le coup, mais les rayures rouges et noir sur les manches de l'espion faussaient l'appréciation des distances et lui avait fait croire que son bras était plus court qu'il ne l'était en réalité. Avant qu'elle ne se relève, Hannya baissa sa garde, tout en restant prêt à réagir au cas où elle ne l'écouterait pas.

"Kayashi-san, je ne suis pas votre ennemi."



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Dès que le coup de feu avait retenti, Shikijou avait failli envoyer son boulet de métal vers l'agresseur, mais Shina avait été plus rapide et s'était élancé à sa poursuite. Sachant pertinemment qu'il ne pourrait les rattraper à la course et voyant que l'humain qui les accompagnait s'occupait de son général. Le lieutenant Zyphaloïde s'élança en quête d'un médecin, bousculant les malheureux qui ne s'écartaient pas assez vite sur son passage.
Il pensait avoir repéré le cabinet d'un docteur vers l'entrée de la ville et se ruait aussi vite qu'il pouvait dans cette direction. Arrivé devant le bâtiment il pénétra à l'intérieur, sans prendre la peine de déposer son arme massive à l'entrée. Il traversa à grands pas la salle d'attente et ouvrit la porte de la salle de consultation, ignorant les protestations des patients qui attendaient. Le médecin était en train d'expliquer à une dame comment utiliser une potion qu'il lui avait fabriqué. Sans prendre le temps de s'interroger sur les règles de politesse, le Zyphaloïde les interrompit de sa voix forte.

"Docteur, venez tout de suite il y a un blessé grave dehors !"

Ne faisant pas grand cas de la mine déconfite et ahurie de l'homme interpellé, Shikijou franchit l'espace qui les séparait en trois enjambées et saisit le docteur par le col.

"C'est pas le moment de rêvasser, venez !"

Le tirant par le bras, le lieutenant Zyphaloïde entraîna au pas de course le docteur vers le corps allongé et meurtri de son général.

Assise par terre, Shina, surprise, fixait l’inconnu bizarrement masqué. Elle n’avait pas compris comment il avait réussi à la frapper directement sans qu’elle ne s’aperçoive de rien. D’autant plus qu’il disait ne pas être son ennemi alors qu’il était apparu à un moment critique, qu‘il ne dévoilait pas son visage et qu‘il connaissait le nom de la Setras. Décidément, ce personnage l’intriguait beaucoup. Quelques questions lui brûlaient les lèvres, mais elle attendra le moment propice pour les poser.

Après avoir froncé les sourcils, Shina se releva et détailla rapidement l’individu. Parmi ses questions, deux lui paraissaient indispensables pour cerner un peu mieux ce curieux personnage. Alors, elle les posa avec un ton légèrement soupçonneux.

« Qui es-tu ? Et comment connais-tu mon nom ? »
_ « Je suis sous les ordres du général Gataka. Je vous suis depuis le début de votre voyage. » répondit l’inconnu sans attendre.
_ « Je vois. »

Sans plus penser à cet espion (elle le fera plus tard), la jeune fille dirigea son regard sur le manteau blanc. Si l’assassin l’avait laissé là, c’est qu’il était terriblement sûr de lui. Et même si Shina avait l’idée de le flairer, comment se transformer et déambuler sous sa forme féline ,en pleine ville, sans attirer les regards humains ? Il n’y avait donc aucun moyen de le retrouver et de lui mettre la patte dessus. Elle devait se résigner. Tant pis.

« Dépêchons. » prononça-t-elle en hésitant à se retourner.

Que l’assassin se soit enfui frustrait considérablement Shina. Elle avait l’impression que cet échec donnait raison aux convictions que Sanosuke avait exclamées lors de leur duel. Maintenant et de toutes façons, elle ne pouvait rien faire. Elle rebroussa donc chemin vers le chevet du général Zyphaloïde, suivie de cet hurluberlu d’espion.

A son arrivée, elle vit que le médecin s’activait sur le corps étendu et entouré du pauvre Sanosuke tandis qu’un peu plus loin, Utako tentait de recouvrer son énergie. Shikijou, quant à lui, semblait s’inquiéter pour son général. La Setras préféra rester en retrait, laissant le médecin faire son travail sans gêne.

Hannya ne suivit pas la Setras, il disparut dans l'ombre de la ruelle et alla s'installer hors de vue sur un toit, surveillant du coin de l'œil l'attroupement autour de son général agonisant. Il avait quelque chose à faire, il devait contacter Arcios pour savoir si il avait simplement disgracié Sanosuke ou s'il l'avait déclaré renégat et qu'il cherchait réellement à le tuer. L'assassin qu'il avait choisi pour cette mission ne laissait que peu planer le doute, mais Hannya préférait être certain avant d'agir. Il se mit donc en relation télépathique avec le Dragon Noir.

"- Maître ?
- Qui y'a-t-il ?
- Votre assassin a réussi sa mission, le Général Gataka est agonisant. Quels sont vos ordres ?
- Bien. Assure-toi qu'il meurt pour de bon, puis élimine le ou les Setras qui l'accompagnait.
- Très bien."

Cela confirmant ce qu'il pensait, Hannya sauta du toit et se rendit au milieu de l'attroupement autour du général. Il arriva au moment où le médecin prononçait son jugement sur le cas du général Zyphaloïde.

"C'est un miracle qu'il soit toujours en vie... S'il a énormément de chance il peut peut-être survire, mais il y aura des séquelles irréparables. Il ne pourra plus faire d'effort physique trop important et devra éviter toute source de fatigue... s'il survit, et c'est loin d'être gagné..."

Après une petite pause il ajouta, en direction de deux hommes du village parmi la foule.

"Vous deux, au lieu de regarder bêtement ce qu'il se passe allez chercher le brancard dans mon cabinet. Et vite !"

Bien qu’en retrait, Shina avait clairement entendu le bilan du médecin. A présent, elle considérait d’un regard consterné le corps inerte de Sanosuke qu’on ne tarda pas à conduire au cabinet médical. Là-bas, le médecin faisait de son mieux pour éviter au Zyphaloïde que les dégâts ne s’aggravent. De son côté, Shina broyait du noir. Elle ne s’était pas sentie aussi mal depuis l’annonce de la tromperie d’Aeon. Elle était en proie à un curieux dilemme: partir rejoindre Reiji pour retrouver les jumelles qui risquaient la mort chaque jour, ou bien rester en sachant que Sanosuke était dans le coma et pouvait mourir d’un instant à l’autre. La Setras perdait un temps précieux à attendre son réveil et son rétablissement, si rétablissement il y aurait. D’ailleurs, Shikijou et son camarade n’avaient finalement pas l’air très inquiets. Et si Shina pensait à son combat contre Sanosuke, elle remarquait que son adversaire avait encaissé des coups qui en auraient assommé plus d’un. Aussi, il lui semblait que son opinion sur les Setras n’avait pas beaucoup changé, voire même pas du tout. Après tout, on ne se débarrasse pas d’une idée reçue depuis des lustres en moins d’une semaine…
Shina décida donc d’attendre. Trois jours. Si Sanosuke ne tiendrait pas debout passé le troisième jour, elle s’en ira retrouver les siens.

On trouva une petite auberge à proximité du cabinet où il n’y avait pas grand monde.
Après avoir payé et tandis que Utako et Shikijou s’installaient dans leurs chambres, Shina invita le Zyphaloïde au masque à la suivre. Elle devait lui parler. Notamment à propos de Sanosuke et de l’assassin qu’ils n’avaient pas réussi à rattraper. Elle l’entraina donc à l’abris des oreilles indiscrètes, dans un coin de l’auberge.

« Toi qui connais bien Sanosuke, j’aimerais connaître ton avis sur son rétablissement… »commença la Setras.

Dans son esprit, tout n’était que doute, et elle détestait cela. Elle attendait une bonne nouvelle qui pourrait lui remonter un peu le moral ,pour ensuite demander à cet hurluberlu s’il connaissait celui qui avait tiré et ce qu’il savait de lui, à savoir ce qu‘il voulait au pauvre Sanosuke ,et, si c‘était un mercenaire, qui l‘avait envoyé. Après tout, il était peut-être resté dans la ville…
Pour finir, elle lui réclamera son nom qu’il ne lui avait pas donné un peu plus tôt.

Spoiler:

Hannya avait suivi les autres jusqu'à l'auberge, même s'il ne dormirait pas cette nuit, prévoyant de se poster près du cabinet du médecin afin de surveiller un éventuel retour sur les lieux d'assassins Zyphaloïdes. Il allait partir quand la Setras lui demanda de le suivre, ce qu'il accepta. Une fois installés un peu à l'écart, l'interrogatoire commença.

«- Toi qui connais bien Sanosuke, j’aimerais connaître ton avis sur son rétablissement…
- Mes compétences ne portent pas sur la médecine, néanmoins il ne mourra pas.
- Que sais-tu de cet assassin ? Pourquoi tuer Sanosuke ?
- Cet assassin est le maître de cet art parmi les Zyphaloïdes. Arcios a ordonné la mort du Général, redoutant une trahison de sa part. J'ai d'ailleurs reçu ordre d'achever le Général... Mais aujourd'hui seul mon Général a autorité sur moi, je ne suis pas tenu d'obéir aux ordres d'Arcios.
- Que peux-tu me dire sur l'assassin ?
- Il est capable de changer d'apparence, ce qui le rend parfaitement indétectable avant qu'il ne frappe, et irrattrapable après qu'il ait frappé.
- Je vois... J'ai une dernière question, quel est ton nom ?
- Hannya, espion du château de Dominos. »


L'homme au masque se leva et quitta l'auberge sans rien ajouter d'où il allait ou de ce qu'il allait faire. Une fois en place sur le toit d'un bâtiment adjacent au cabinet du médecin, il attendit, invisible dans la nuit qui tombait doucement sur la ville.

Hannya avait disparu peu après la discussion, il était sûrement parti protéger son général au cas où l’assassin se montrerait. Celui-ci allait être difficile à retrouver et à arrêter avec un tel don. Shina lui souhaitait mentalement bon courage.
Après avoir mis ses affaires dans sa chambre, Shina n’avait plus rien à faire. Juste à attendre le rétablissement de Sanosuke. Alors, elle allait demander à Utako s’il voulait l’accompagner pour se promener un peu en ville et découvrir les environs. Après tout et avec ce qui s’était passé, une bonne ballade ne leur ferait pas de mal.
Cependant, en chemin, elle tomba sur le gros boulet qui servait d’arme à Shikijou. Shina se souvint alors qu’elle n’avait quasiment jamais entendu sa voix. Elle eut un sourire espiègle. Elle espérait qu’en lui empruntant son arme, elle le ferait un peu râler. La Setras souleva donc la grosse et lourde boule métallique avant d’avancer de quelques pas, cherchant où la cacher. Continuant d’avancer, elle ne vit pas que Shikijou sortait de sa chambre à ce moment précis. Il n’eut qu’à tirer sur la chaine de son boulet pour que Shina soit emportée par l’épaule jusqu’au sol. La Setras poussa un petit cri avant de se retrouver écrasée au sol par l‘arme imposante. Prise à son propre jeu, la pauvre se débattit un moment et parvint à se soustraire du poids de l’arme. Elle profita qu’il n’y ait personne qui veuille passer et resta allongée un bref instant sur le parquet.

Après le soupé, tout était noir dehors. Shina avait posé son livre à côté d’elle et regardait la ville par la fenêtre, mais à part quelques passants qui discutaient entre eux, il ne se passait rien. Comme Shina s’ennuyait, elle décida de faire un tour. Et pourquoi pas aller aider Hannya à surveiller si l’assassin ne reviendrait pas ?
Arrivée, la Setras ne vit l’espion nulle part. Lui, avait du la voir venir. Elle s’installa sur le toit du cabinet et attendit en silence. Le léger froid de cette nuit ne la fit pas rebrousser chemin.

Sonosuke délirait. Il était retourné en enfance et suivait son père lorsqu'il commandait les manœuvres d'entrainement de ses troupes. Le capitaine contrôlait que tout se déroulait convenablement, faisant répéter certains mouvement à certains bataillons, alternant les formations diverses.

Lui ne prêtait pas attention à ce qu'il se passait et se battait contre des ennemis imaginaires avec une branche d'arbre qu'il avait ramassé en chemin. Son père lui jetait un regard de temps à autre pour vérifier qu'il ne risquait pas de se blesser et qu'il ne faisait rien de stupide, lui accordant un sourire doux et remplis d'affection à chaque fois. Le jeune garçon se fendait d'un sourire démesuré chaque fois qu'il voyait que son père le regardait. Il voulait lui montrer qu'il était très fort pour qu'il le prenne sous son commandement. Il ne savait pas ce qu'était vraiment la guerre et ce qu'impliquait le métier de soldat, et c'était sans doute bien mieux comme ça. Soudain, des nuages noirs obscurcirent le ciel et le rêve se changea en cauchemar. Les soldats des différents bataillons se mirent à se battre entre eux et un petit groupe vint protéger le capitaine.

L'armée déchirée en deux camps fut rapidement décimée et les survivants se ruèrent vers le capitaine et sa vingtaine de garde du corps. Les assaillants étaient plus de cent et le combat était clairement perdu. Sanosuke regarda son père adoptif se pencher vers lui et lui dire de s'enfuir, de rentrer à la maison. Le jeune garçon tourna le tête et vit sa maison à une centaine de mètres, il n'avait qu'à courir jusque là et il serait en sécurité et attendre que son père rentre. Obéissant, il commença à courir vers son foyer. Arrivé à mi-parcours, il s'arrêta. Il ne pouvait pas abandonner son père, il ne pouvait pas fuir. Il fit demi-tour pour découvrir un véritable carnage. Cette vison contrastait amèrement avec la colline fleurie et accueillante où était sa maison. Il tenta de faire quelques pas vers son père mais ses jambes se firent plus lourde et chaque pas était plus difficile que le précédent. Alors qu'il n'était plus qu'à une vingtaine de mètres de son père et de ses quatre derniers combattants fidèles face aux cinquante adversaire survivants.

Le garçon voulut s'enfuir à nouveau, renoncer et rentrer chez lui. Il n'était qu'un enfant, il ne pourrait rien faire pour aider son père. Pourtant il serra plus fort son bout de bois et continua d'avancer. Qu'importe s'il mourrait, il ne pouvait pas abandonner la personne à qui il tenait le plus au monde. Une douleur dans la poitrine le frappa et il tomba à genoux, à dix mètres à peine de la zone de combat. Il s'appuya sur sa branche pour se redresser et avança, pas à pas, en se tenant la poitrine et faisant des efforts démesurés pour ne pas sombrer dans l'inconscience.

L'un des adversaire de son père le vit et le chargea en poussant un cri de guerre. Complètement effrayé, l'enfant ne pouvait plus bouger. Il allait mourir, il ne pouvait pas affronter un homme armé d'un katana avec un simple bout de bois, encore moins aussi faible qu'il était. Fermant les yeux, il accepta son sort. Un juron retentit à l'intérieur de son esprit et il rouvrit les yeux, il ne pouvait pas abandonner maintenant.

Sanosuke mit un genoux à terre, évitant un coup de taille qui l'aurait décapité et se redressa au dernier moment, frappant l'homme d'un uppercut en plein menton. Il n'était plus un enfant, il était redevenu Sanosuke, le puissant mercenaire et général Zyphaloïde. Pourtant il se sentait toujours aussi faible, mais il ne pouvait pas abandonner un combat, il ne pouvait pas fuir. S'appuyant une nouvelle fois sur son Zanbatô pour se relever, il rejoignit en trainant les pieds la zone de combat, où son père luttait désespérément contre quarante adversaires, son dernier homme venant de succomber.

Et un cri déchira le calme de la nuit.